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Critique, autonomie, communisme

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2023 s’est clos dans la même morosité que celle qui animait les cortèges de janvier. Usé-es par un mouvement qui n’en finissait pas de mourir, nous nous sommes retrouvé-es autour d’une insatisfaction générale vis-à-vis de l’existant, et d’une sincère amertume vis-à-vis de ce qui se donnait pour tâche de l’abolir. Le mouvement social n’a pas été vaincu : il s’est heurté à ses propres limites. Alors que forces politiques de gauche et militant-es radicaux investissaient conjointement la figure du citoyen pour ressusciter un mouvement ouvrier en perdition, chaque jour l’impasse n’en était que plus évidente. Le citoyennisme émeutier a incarné le baroud d’honneur d’un cycle de luttes à l’agonie où l’Etat jouait à la fois le rôle d’ennemi intime et d’interlocuteur.

Mais, des Gilets Jaunes aux émeutes de juin, à chaque errement le prolétariat a répondu par d’insolentes lignes de fuite. Quelques semaines après que le couperet du retour à la normale se soit abattu sur les derniers défilés syndicaux, les émeutes et pillages qui ont suivi le meurtre raciste de Nahel réalisaient en une poignée de jours ce que le mouvement social avait échoué à produire en six mois. Il nous est paru frappant que ces insurrections fugaces ont davantage posé la question du communisme que les carnavals gauchistes dont nous avions appris à nous satisfaire. Le « travail du négatif » consiste à approfondir ces interstices, à aiguiser les contradictions, jusqu’à la rupture.

Si aujourd’hui basculement il y a, tout moment critique appelle à la réflexion. L’heure n’est pas à la fondation d’une énième organisation de masse caduque dès sa fondation. Tandis que certain·es aspirent à reconstituer une classe ouvrière pure et parfaite, nous estimons désormais nécessaire de se donner des armes pour prendre acte de sa déshérence et penser toutes les déterminations de classe, de race et de genre, dans laquelle se meuvent les luttes de classe contemporaines, en France ou à l’international.

Confronté·es à l’atomisation des milieux dans lesquels nous évoluons bon gré mal gré, nous avons émis le souhait commun de créer des espaces et de provoquer des rencontres. Nous nous donnons ainsi l’objectif d’y faire infuser des outils critiques afin d’intervenir théoriquement dans les luttes en cours et de faire exister l’hypothèse communiste. Articuler théorie audacieuse et pratique offensive est plus que jamais d’actualité, à l’heure où les résistances s’enlisent dans leur propre ritualisation. En assumant une voix dissonante, en portant la critique au-delà de la revendication, il s’agira de nous livrer à, selon le mot de Marx, la « critique impitoyable de tout ce qui existe ».